Nous vous annoncions récemment la publication d’une synthèse sur les enjeux psychosociaux de la réduction de la pollution lumineuse, dans le cadre du projet La nuit, je vis. Un travail d’enquête a ainsi été réalisé pour mieux comprendre les pratiques, puis a été mis en lien avec les éléments disponibles dans la littérature scientifique et les retours d’expériences. Cet article est le premier d’une courte série présentant quelques résultats de ces enjeux psychosociaux, en vous invitant à vous référer à la synthèse complète (à télécharger ici).
La mise en place d’une trame noire dans une commune, ou communauté de communes, pousse les élu·es à interroger les expériences existantes pour pouvoir se positionner au mieux.
L’acceptabilité de l’extinction … en amont de la mise en place
Si l’on regarde l’acceptabilité d’une telle mesure au niveau national, un sondage porté par l’ANPCEN1 en 2018 montre un taux de réponses favorables de 79% pour une réduction de la durée de l’éclairement en milieu de nuit des éclairages publics (contre 48% en 2012), démontrant ainsi une évolution des représentations et souhaits des habitant·es. Mais qu’en est-il pour les élu·es des communes ?
Dans le cadre du projet La nuit je vis, 294 communes ont répondu à un questionnaire concernant leurs besoins d’accompagnement sur ces questions de pollution lumineuse. Les résultats ont mis en avant que les principales appréhensions des élu·es portent sur la question de la sécurité et sur les avis potentiellement négatifs des habitant·es. Cette appréhension, en amont de la mise en place, est intéressante à mettre en miroir avec les expérimentations d’ores et déjà réalisées dans des communes de tailles variées.
L’acceptabilité de l’extinction … en aval de la mise en place
Lorsqu’on se penche sur les expérimentations menées sur plusieurs territoires, on observe un accueil plutôt positif de la part des habitant·es. Dans le cas de Crolles (38) par exemple, la mise en place d’une extinction totale en cœur de nuit a été proposée, puis les horaires ont été progressivement ajustés selon les retours des habitants et les usages constatés de l’espace public. Rennes, Lyon, Tulle et déjà quelques autres communes dont les expérimentations sont concluantes ont également acté le maintien des dispositions prises.
Certaines communes, à l’image de Lanester (56), ont connu quelques rebondissements dans la mise en place. Effectivement, l’extinction au départ plutôt bien acceptée, a été source de pétitions et plaintes lorsque des incendies volontaires ont eu lieu dans la commune. La réactivation du comité citoyen, un éclairage partiel de certains axes et une réunion publique avec la police nationale permettant d’assurer que les chiffres de la délinquance n’avaient pas changé avec l’extinction, ont cependant permis à l’expérimentation de se pérenniser.
Favoriser l’acceptabilité de ce changement
Les élu·es interrogé·es dans le cadre de La nuit, je vis partagent le constat suivant : lorsque les citoyen·nes évoquent des craintes à l’annonce de la réduction ou de l’extinction d’éclairage, celles-ci sont levées avec le temps et l’expérience, et laissent place à un sentiment de satisfaction d’économies d’énergie et d’un accès retrouvé au ciel étoilé. Elles et ils conseillent de « commencer par éteindre à partir de minuit et d’observer », validant l’importance de l’expérimentation et de la temporalité qui permet aux nouvelles habitudes de s’ancrer. Également, l’information de la population permet de diminuer les effets de réactance face à un projet vécu comme imposé. Voire de valoriser le territoire : « Il faut le faire. Il y a des oppositions au début, mais après quelques mois c’est accepté et même plutôt bien vu. Cela donne une bonne image de la commune ».
Les retours d’expériences semblent conforter que la consultation citoyenne et la co-construction du changement d’éclairage favorisent la mise en place de réduction ou d’extinction, notamment en l’adaptant au plus près des usages. Dit autrement, il y a peu de freins psychosociaux et ceux-ci semblent dépassés par l’information et l’expérience directe du changement.
Informer et agir, si possible collectivement, permet également de déployer une politique d’éclairage, en tant que premier échelon de lutte contre le changement environnemental global. Associer les citoyen·nes dans la mise en place d’actions concrètes et locales, peut être ainsi l’occasion d’initier ou de poursuivre une réflexion collective sur la bonne santé et les interdépendances entre l’être humain et son environnement, comme l’idée de One Health nous invite à le penser.
Envie d’en savoir plus ? Consulter la synthèse et les résultats complets de notre étude
Le projet La Nuit, Je Vis, un partenariat URCPIE AuRA et FNE Auvergne-Rhône-Alpes, bénéficie du soutien de l’Office français de la biodiversité et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
[1] Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes : https://www.anpcen.fr/
Rédaction : Hélène Chiron et Cynthia Cadel, psychologues sociales
Photo : tatyana-dobreva